Un territoire laboratoire est un territoire dans lequel se pratique la recherche contributive : une approche qui réunit des chercheurs et des habitants et qui serait à même de cultiver de nouveaux (ou anciens) savoirs, de renouer des liens sociaux et de nouvelles solidarités, ainsi que de prendre soin des évolutions techniques et de leurs effets. Ces objectifs sont d’autant plus impératifs aujourd’hui, alors que le “consumer capitalism” et l’automatisation détruit des savoirs ou en empêche l’élaboration collective, alors que nos dogmes et régimes socio-économiques atomisent chaque individu jusqu’à les irresponsabiliser par rapport à leurs milieux communs, et alors que les évolutions technologiques prennent de vitessent les individus, les collectifs et les institutions, qui ne disposent pas du temps pour se les approprier collectivement et en prescrire certaines pratiques.
Tout en abordant des problématiques locales, la recherche contributive ne vise pas des solutions au sens strict. Sa vocation est plutôt de mettre en place des structures de capacitation - soit de développement du désir d’apprendre collectivement - au sein desquelles les habitants et les chercheurs pratiquent et discutent différents types de savoirs (savoir-faire, savoir-vivre, savoirs théoriques). Elle part de l’hypothèse selon laquelle de telles capacités ou de tels savoirs sont nécessaires pour assurer non seulement le bien-être d’une population à long-terme (comme l’a montré la théorie des capabilités développée par l’économiste Amartya Sen), mais aussi la solvabilité économique et la soutenabilité écologique des territoires.
Actuellement, deux ateliers en Seine-Saint-Denis tentent d’expérimenter un tel modèle de capacitation : la Clinique contributive et le projet Urbanités numériques en jeux. Dans la Clinique contributive, des chercheurs, soignants et parents cherchent à développer de nouvelles pratiques de soin pour des tout-petits gravement intoxiqués par la surexposition aux écrans. Le projet Urbanités numériques en jeux se concentre sur un travail en vue de la reconstruction du village olympique après 2024 en Seine-Saint-Denis. Il rassemble des enseignants et élèves de plusieurs collèges et lycées du territoire autour de la pratique du jeu vidéo Minetest, dans le cadre d’un programme pédagogique construit par chacun. Cette pratique est articulée avec l’étude des nouveaux outils et modèles de conception numérique imposés au architectes et urbanistes tel que le BIM. Cela afin d’anticiper les mutations profondes du territoire et entrevoir l’émergence de nouveaux métiers du bâtiment.
Les deux projets se lient étroitement aux questions posées au sein de l’AAGT-Ars Industralis : celles de l’éducation, des relations intergénérationnelles, de notre rapport aux objets digitaux ainsi que de la recherche appliquée et expérimentale. Des membres de la génération Thunberg participent régulièrement ou ponctuellement à ces ateliers, pour y apporter leurs propres savoirs et en cultiver de nouveaux. Ces immersions sur le terrain de Plaine Commune et ses séminaires de recherche contributive ont aussi pour but d’alimenter les autres activités de l’association.
L’AAGT est également associée au projet de l’Archipel des vivants, un projet de recherche contributive translocal qui met en réseau l’île de Crès en Croatie, Sherkin Island en Irlande, la Corse, les îles Galápagos en Équateur et « L’île-Saint-Denis » en région parisienne, afin d’interroger la possibilité de transférer des savoirs cultivés localement à d’autres territoires. Des membres de l’AAGT y réfléchissent notamment à la manière de faciliter et organiser des échanges de perspectives et savoirs entre les différentes « générations Thunberg » propres à ces localités, par des voyages sur places ou par voie d’échanges en ligne.